EPILOGUE
Shedao Shai était ravi que son visage nu fasse trembler ses subordonnés. Le commandant yuuzhan vong avait décidé d’entrer dans le grashal de Bimmiel sans le casque ni le masque blindé que son rang lui permettait de porter. Son bâton, insigne de son grade, était enroulé autour de son avant-bras droit. Plus étroit et plus court qu’un bâton normal, le tsaisi appartenait à la même espèce mais il était plus délicat. Sa manipulation exigeant plus d’habileté, il était rarement accordé à un guerrier.
Shedao Shai était campé en haut des marches menant au grashal. Ce qu’il voyait l’écœurait, mais il prit soin de ne pas montrer de signes de faiblesse aux guerriers groupés dans la salle.
Ceux qui sont à mes ordres.
Sur le sol, des larves de gricha avalaient du sable et excrétaient du matériau pour réparer la coquille aux endroits où les bêtes des sables étaient entrées et avaient dévoré deux guerriers.
Deux guerriers de ma famille…
Shedao Shai descendit lentement les marches, regardant qui levait les yeux et qui ne le faisait pas. Ceux qui ne gardaient pas la tête baissée cachaient leur ambition. Les autres étaient des imbéciles persuadés qu’ils gagneraient leur avancement autrement que par leur valeur au combat.
Ceux qui jettent un coup d’œil tout en continuant à travailler sont curieux, mais respectueux et attentifs à leur devoir.
Il choisit parmi eux le guerrier qui supervisait le ngdin chargé de nettoyer les traces des intrus qui avaient profané le grashal.
Il l’appela d’un signe.
Le guerrier ramassa le ngdin, le tenant à deux mains en dépit des décharges électriques de ses cils. Puis il le posa de nouveau sur le sol à côté d’une tache écarlate.
Le guerrier mit un genou à terre devant son maître et frappa son épaule gauche de son poing droit.
Shedao Shai le regarda.
– Tu es autorisé à lever les yeux, Krag Val.
– Si j’étais digne de cet honneur, commandant Shai, ma mission serait déjà accomplie.
Excellent !
– Dis-moi ce qui est arrivé ici.
– Deux humains étaient dans l’Etreinte de la Douleur. Deux autres au moins sont venus les libérer. D’après les marques sur l’Etreinte, dans le sol et sur nos guerriers, c’étaient des jeedai. Je pense que Neira Shai a été tué le premier. Dranae Shai a gravement blessé son adversaire, tout indique qu’il a été aussi touché. Je n’ai pas trouvé trace sur ses restes d’un coup mortel porté par le jeedai. (La voix de Krag Val baissa d’un ton.) Sur ce que nous avons pu récupérer…
Shedao Shai contrôla sa colère. Le compte rendu de Krag Val correspondait au rapport préliminaire qu’il avait reçu entre Dantooine et Bimmiel. Les batailles livrées sur ces mondes et sur Dubrillion lui avaient permis de tester ses ennemis. Ils étaient plein de ressources et même courageux dans certains cas…
Je pourrais presque les considérer comme des adversaires de valeur.
Mais leur conduite sur Bimmiel montrait qu’ils n’étaient pas dignes des Yuuzhan Vong.
– Et le jeedai dont le sang est sur le sol, qu’en est-il de ses restes ?
Krag se raidit, prêt à recevoir les coups si son maître décidait de le frapper.
– Nous n’avons pas son cadavre. Il semblerait, d’après les traces, qu’il ait été… soulevé… et emporté.
Shedao Shai serra les poings.
– Ils ont emporté le cadavre de leur camarade et laissé les nôtres nourrir la vermine ?
– Je le crains, commandant.
Tout ça est la faute de Nom Anor, ce maudit rejeton de machine !
Nom Anor s’était infiltré dans la Nouvelle République et avait envoyé des informations sur les ennemis que les Yuuzhan Vong affronteraient. Mais il n’avait pas inclus tous les renseignements. De plus, il avait essayé de prendre le pouvoir, autorisant sa faction à frapper Dubrillion et Belkadan.
Si ses soldats avaient gagné ces batailles, elles auraient décidé de la suite de l’invasion. Son échec a provoqué mon intervention, car nous ne pouvions pas rester sur une honteuse défaire. J’ai terminé son travail, mais des membres de ma famille ont payé de leur vie son inanité.
Le commandant yuuzhan vong parla sereinement en dépit de ses dents serrées.
– Et Mongei Shai ?
– Commandant, il semblerait qu’un groupe d’humains ait trouvé la caverne où il reposait, et… j’ai peur de le dire, Maître…
– Leurs crimes ne sont pas les tiens, Krag Val.
– Ils ont perturbé son repos, Maître. Ils ont utilisé… Ils ont laissé leurs abominations mécaniques à l’endroit où ils l’ont trouvé.
Le commandant yuuzhan vong détourna le regard. L’idée que la dépouille de son grand-père ait été touchée par des humains le rendait malade. Cinquante ans plus tôt, Mongei Shai avait fait partie d’une expédition lâchée de leurs vaisseaux-mondes pour explorer cette nouvelle galaxie. Il n’était pas revenu avec les autres, restant sur Bimmiel pour faire des rapports par villips interposés, jusqu’à ce que la distance devienne trop grande. Son sacrifice honorait le Domaine Shai. Shedao avait espéré que ses cousins apporteraient encore plus de gloire à la famille en récupérant son cadavre.
Ils ont échoué et l’ennemi s’est emparé de nos reliques. Ces humains nous provoquent avec une audace insensée !
Shedao Shai regarda son subordonné, puis il lui appuya un pied sur sa tête, le clouant au sol.
– Pourquoi Neira et Dranae n’ont-ils pas trouvé les restes de Mongei avant les humains ?
– Les coordonnées se fondaient sur le champ magnétique de ce monde, et il s’est déplacé. Ils ont fait des recherches systématiques. Quatorze révolutions de la planète plus tard, ils auraient repéré le lieu exact. Leur conduite était au-dessus de tout reproche.
– Mais ils n’ont pas fait preuve de beaucoup d’imagination.
Shedao Shai désigna le village minshal, vers l’ouest.
– La vermine a détruit les esclaves ?
– Il semblerait, Maître…
– Et les jeedai n’ont pas récupéré leurs cadavres ?
– Non, maître.
Shedao Shai retira son pied, puis descendit dans le grashal. Il s’accroupit au-dessus du ngdin qui nettoyait les traces de sang laissées par le jeedai.
– Sur le monde qu’ils appellent Dantooine, ils n’ont pas récupéré leurs morts. Ils n’ont aucun sens de l’honneur. Mais qu’ils aient emmené ce jeedai me donne une information de grande valeur.
Krag Val jeta un coup d’œil prudent à Shedao Shai.
– Laquelle, Maître ?
– Le jeedai est toujours vivant !
Shedao Shai ramassa le ngdin et le tint devant lui. Sur son ventre, d’innombrables cils luisaient de mucus sanguinolent.
Shedao Shai se pencha et mordit à belles dents la créature, se régalant du goût du sang et des décharges électriques. Il mâcha avec délice, ne prêtant aucune attention au liquide coulant sur son menton.
– Ce jeedai est vivant. Et je goûterai de nouveau son sang quand il mourra !